Cuniculus Maleficus #1

Publié le par Le Rat Mort

 

Il y a quelques temps, je me sentais un certain vague à l'âme, triste et vide comme un menu diététique.Mon doux foyer me semblait froid et inhospitalier, aussi dénué d'âme et de vie que l'encéphalogramme d'une blogueuse mode. Je décidais alors d'adopter un animal familier pour remplir mon cœur de tendresse éperdue et dégoulinante. Passant en revue la liste des bestioles disponibles, j'écartais d'office friture, piafs et reptiles. Câliner un tas d'écailles, de branchies ou de crochets venimeux me semblait en effet d'un réconfort aléatoire (humidité, viscosité et poisons fulgurants obligent).

Bien déterminée à rester la seule créature mollassonne et insolente sur mon canapé, je rayais les chats de ma liste. Le chien était aussi exclu, malgré des qualités indéniables qui ont fait de lui le meilleur (ou le seul) ami de l'homme. Mon foyer, pour aussi doux qu'il puisse être, n'était pas assez vaste pour accueillir un chien. A mon sens, les quadrupèdes n'excédant pas 35 cm au garrot ne peuvent être considérés comme de gentils toutous mais uniquement comme de futures pantoufles, . Inversement, cochon d'inde et hamster me semblaient de dimensions trop négligeables pour satisfaire à mes envies de poutous poutous gratouilles de la bébête à sa maman. Mon choix se réduisait donc au lapin nain et au panda roux. J'optais par défaut pour le laporidé miniature, et je revins vite chez moi, avec une délicieuse créature, boule de poils beiges d’où jaillissaient deux petites oreilles, et que j'avais d'ores et déjà affublée de surnoms tous plus niais les uns que les autres. Je me sentais flageoler d'adoration devant ce petit museau rose et frémissant et ces grands yeux sombres, profonds et humides.

Si j'avais su...

lapinA.jpg

Après avoir adressé à mon nouvel ami force compliments sur la douceur de ses papattes, la grâce de ses noreilles, et la chaude mollesse du pitit bidon au lapinou, je l'avais installé dans un royaume de copeaux et de rondelles de carottes avant de m'endormir d'un sommeil langoureux. Au matin, me précipitant vers la cage pour réitérer mes louanges effrénées, je la trouvais vide. Le jojo, avec un habileté défrisante, avait déverrouillé la porte et sautillé jusqu'à mon bureau pour aller se percher sur mon clavier, ou il dormait actuellement, un stylo entre les dents. J'allais lui faire pour la forme quelques reproches émus et admiratifs quand je constatais que l'écran de l'ordinateur affichait le bloc notes, et dedans, un message.

pron.jpg

 

L'on m'avertissait ainsi que le démon était entré dans ma maison. Je ne dis pas que ça n'est pas gentil de prévenir, mais c'est tout de même plus ou moins flippant, surtout si l'on considère que l'information semblait provenir d'un lapereau latiniste d'environ cinq mois aux oreilles longues et soyeuses. Lequel s'était réveillé à mon approche, et, sous mes yeux éberlués, appuyait la pointe du stylo sur les touches pour composer un nouveau message.

 

pron2.jpg

 

Cette nuit donc, le fameux démon tapeur d'incruste me parlerait. Causerie latine pleine de fun en perspective. Je fixais longuement l'écran jusqu'à ce que les lettres dansent devant mes yeux, alors que le lapin immobile épiait mes réactions. Au bout d'un moment, je réussis à me convaincre que j'étais mal réveillée, et qu'un lever antérieur à 11h du matin était incontestablement risqué pour ma santé mentale. Remettant le lapin dans sa cage, je retournais me coucher en prenant soin d'éteindre l'ordinateur, et me relevais fraîche et dispose pour le brunch, riant de mon hallucination de la matinée. J'en chassais le souvenir durant la journée, et au soir, j'avais complètement oublié que j'étais supposée décliner le bout de gras avec une émanation des enfers.

  Cuniculus Maleficus #2

Publié dans Ici et Hier

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article